Le compte-rendu de la table ronde consacrée aux road-movie et au nouveau film de Walter Salles, Sur La Route !
Jeudi 19 avril, 15 heures
tapantes. Walter Salles, Olivier Archambeau, Cloé Korman et Brieux
Ferot entrent en scène. Habillé simplement, Salles lance à l’amphi
de grands sourires, avant de commencer à répondre aux questions des
invités. Première remarque : pas le moindre petit accent ne
vient perturber l’exposé qu’il fait...en français. Quelques
expressions lui échappent parfois et c’est avec plaisir qu’il
fait participer la salle pour l’aider à combler ses quelques
lacunes. Un véritable échange s’installe alors et le public
intervient désormais spontanément, au fil du déroulement des
réponses du réalisateur. Ce dernier cite souvent Carnet de
voyage, mentionne quelque fois Sur la route. Une certaine
électricité se fait sentir à l’entente du film désormais en
compétition officielle pour Cannes. Salles ne développe pas trop,
le modérateur précise à plusieurs reprises qu’il faudra attendre
la 2° partie de l’intervention consacrée spécifiquement au film.
Tendu, le modérateur ? Il avait fait part plus tôt dans
l’annonce de la partie consacrée à Sur La Route, la possibilité
pour les spectateurs de poser ‘’ des questions sur le casting’’
et l’on sentait poindre un mélange de lassitude et d’agacement
dans sa voix. Mais qu’il se rassure. Les personnes présentes dans
l’amphi X ce jeudi 19 avril ne sont pas des fans avides d’anecdotes
sur leurs acteurs favoris, mais bien plutôt des étudiants en
cinéma, des passionnés de la route ou encore des étudiants
brésiliens résidant en France venus spécialement pour rencontrer
ce réalisateur extrêmement populaire dans leur pays. Alors certes,
l’inévitable question ‘’pourquoi avoir choisi tel ou tel
acteur’’ est apparue, mais ce fut tout. Le reste s’est
concentré sur la manière dont Salles à appréhendé l’adaptation
du film, à son rapport avec le genre du road movie… une belle
leçon de cinéma par un réalisateur de talent qui dit les choses en
toute humilité.
Là où commence la route…
Le premier souvenir d’enfance de
Walter Salles remonte à ‘la lucarne d’une voiture, d’où
j’aperçois la route.’ Plus tard vient la lecture de Sur la
route, à 18 ans. Il se souvient que le livre, interdit au Brésil à cette époque,
circulait de mains en mains en version originale. L'histoire de Sal
et Dean a un écho particulier pour lui, dans le contexte de crise et
de dictature militaire que vivait alors le Brésil.
L'intérêt pour le genre du road-movie lui vient donc de cette
période, de cette 'quête d'un futur possible'. Ayant commencé par
réaliser des documentaires, Salles précise que l'intérêt pour le
genre du road-movie s'inscrit plus globalement dans la tradition du
documentaire brésilien, celle de cartographier de nouveaux horizons,
de 'nommer ce qui n’a pas été nommé.' (Borges).
Accident, fuite et nostalgie.
Accompagné de l'invité Olivier
Archambeau , Walter Salles se penche ensuite sur les différentes
composantes du road-movie : accident, fuite et nostalgie.
L'accident tout d'abord, car 'sur la
route, tout se modifie'. Salles donne quelques conseils aux futurs
réalisateurs : ''Plus un scénario est bâti, plus il est
facile de s'en éloigner. C'est un peu comme le jazz. Si vous
connaissez la mélodie, vous pouvez partir dans des solos impensables
parce que vous allez réussir à retrouver ce noyau, plus tard.''
L'improvisation est ce qui est au cœur du road-movie, ce qui en fait
sa force. Walter Salles prend l'exemple du film Terre Lointaine, qui
vient d'être projeté avant la conférence. Il raconte en effet
avec émotion que la fin du film ne lui a été soufflée qu'au
moment du tournage, alors que l'actrice principale, Fernanda
Torres, chantait Vapor Barato, de Gal Costa. Ce
qui n'était à l'origine qu'une chanson fredonnée entre deux prises
s'est retrouvée le superbe final du film, interprétée par
l'actrice elle-même.
L'accident est paradoxalement un choix du
réalisateur avant-tout, celui de prendre le risque d'intégrer cet
élément inattendu au film. Cette situation d'improvisation,
d'abandon, Salles explique qu'elle est essentielle pour le bon
fonctionnement d'un film. Il faut arriver à amener les acteurs à
cet état, pour parvenir au moment où ils vivent le film et oublient
leur jeu. Pour cela, il organise en amont du tournage une préparation afin que les acteurs apprennent à se connaître et étudient le
contexte et l'histoire qu'ils vont interpréter. Ils travaillent dur
avant, répétant leurs répliques, de sorte qu'ils puissent s'en
libérer au moment du tournage. C'est ce qu'il a fait pour ses
précédents films et qu'il a continué avec Sur La Route en
organisant le fameux 'camp Beatnik'.
La fuite, ensuite. La fuite en avant
des personnages se mêle à la nostalgie qui les étreint. ''Sur la
route, on se laisse emballer par ses sentiments, on a le désir
d’inconnu.''
On the road Walter !
En 2004, lorsque l'on propose à Walter
Salles de réaliser l'adaptation cinématographique de Sur La Route,
celui-ci ne se sent pas près. ''J'avais un rapport très charnel
avec le livre, mais en décalage culturel.'' Il entreprend alors une
traversée des Etats-Unis à la manière de Kerouac, réalisant au
passage des interviews avec les figures caractéristiques l'ayant
cotoyé, comme Laurence Ferlinghetti ou Carolyn Cassady. Au total, il
aura fallu six ans et quelques 100 heures de film - que Salles est en ce
moment en train de monter pour réaliser un documentaire (Looking for
On The Road)- pour que le tournage du film débute. En parallèle,
l'équipe technique et le choix des acteurs s'est lentement
constitué. Kirsten Dunst a été retenue la première pour jouer le
rôle de Camille, que Salles trouve 'd'une grande justesse'. Puis Gustavo Santaolalla et Alejandro Inarittu l'appellent pour lui dire d'arrêter de chercher pour le rôle de
Marylou. Ils viennent en effet de regarder un premier montage du
film Into The Wild (Sean Penn), et Kristen Stewart leur semble être la parfaite
Marylou. Reste Dean Moriarty et Sal Paradise. Garrett Hedlund est
retenu pour le rôle de Dean et Sam Riley, repéré dans Control,
pour celui de Sal. Certains pourraient penser que le
choix du casting s'est fait d'une manière bankable, Salles fait
remarquer au contraire que celui-ci était à l'origine incognito, les acteurs
ayant été retenu avant l'explosion de leur carrière, notamment Kristen Stewart, révélée au grand public avec la saga
Twilight, un an environ après la décision de Walter Salles de la
faire incarner Marylou.
Plutôt que de vouloir rester scotché
au livre, Salles explique que pour rendre le plus justice à la
liberté qui émane de Sur La Route, il fallait improviser pour lui
être fidèle.
L'intelligence et l'implication des
acteurs est également une chose sur laquelle s'arrête le
réalisateur. Il raconte ainsi comment Viggo Mortensen a au début
pensé décliner le rôle d'Old Bull Lee à cause des 20 kilos
supplémentaires qu'il avait du prendre pour le tournage d'un autre
projet. Et comment il a réussi à les perdre en un temps record par
la suite et a apporté sur le tournage les livres de Céline, la
machine à écrire... et l'arme de Burroughs (Old Bull Lee dans le
livre).
Ou encore Sam Riley qui écoute du ''jazz à fond pour être
synchro dans la scène où on le voit taper à la machine à
écrire.''
Au cours des 100 000 km parcourus
pendant le tournage, les conditions ont parfois été très dures.
Salles n'a pas voulu utiliser de bluescreen et a dû aller
chercher les paysages enneigés qui lui convenait. Il ajoute même
avec humour après le visionnage de la bande-annonce du film :
''on n'a jamais brûlé autant de joints que dans ce film !''
Retour aux sources : Kerouac.
Salles donne enfin sa vision du
livre. Pour lui, Sur La Route renvoie à l'interrogation ''qu'est-ce
que ça signifie d'être jeune ?'' Le livre retrace la route de
Sal, à travers son regard et les choix qu'il opère pour raconter
son périple. ''Kerouac ne juge pas les gens, c'est un passeur, pas
un voyeur.'' La plus belle récompense de Salles sera alors que les
gens qui n'ont pas lu le livre de Kerouac puisse le découvrir...et
s'y plonger par la suite.
Un grand merci à l'université Paris 8 et à l'association Super 8 d'avoir organisé cette superbe rencontre !
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